10 Août 1/3 – La crise ? Le modèle de société qui nous gouverne depuis plus de deux mille ans !
, 10 Août 2015
Dans Gestion de l'innovation et du changement, La transition de carrière, Le leadership collaboratif, Modèle de société et éducation, Think Tank
0 Commentaires
Puis-je partager avec vous ce que je considère être l’une des descriptions les plus réalistes, les plus pragmatiques et les plus précises du modèle de société qui sous-tend notre comportement collectif et notre économie actuels.
Je n’ai pas découvert ce texte à l’école, ni dans un livre d’économie, ni à Wall Street mais au cours d’une messe de mariage en septembre 2008, en pleine crise financière ! Le prêtre lisait l’Evangile de Jésus Christ selon Saint Mathieu [25,14-30] :
Jésus disait cette parabole :
« Un homme, qui partait en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
A l’un il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités.
Puis il partit.
Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’occupa de les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un creusa la terre et enfouit l’argent de son maître.
Longtemps après, leur maître revint et il leur demanda des comptes.
Celui qui avait reçu les cinq talents s’avança en apportant cinq autres talents et dit :
« Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.
– Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. »
Celui qui avait reçu deux talents s’avança ensuite et dit :
« Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.
– Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. »
Celui qui avait reçu un seul talent s’avança ensuite et dit :
« Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient. »
Son maître lui répliqua :
« Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. Alors il fallait placer mon argent à la banque et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts.
Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents ! »
Au-delà des multiples interprétations que chacun peut en faire, selon sa culture…ou son intérêt, ce texte a traversé les siècles sans être adapté et, comme les images subliminales, comme la publicité répétitive, il a imprimé nos cerveaux de génération en génération avec l’idée d’un modèle unique de relation entre les individus : « maître – serviteur ».
Le résultat est que ce texte reflète parfaitement la réalité du monde actuel ! Tout y est: l’argent, la spéculation, la productivité, l’inégalité, le machisme, l’exclusion, la violence, la banque et le « Fais ce qu’on te dit » du maître. C’est le modèle fondateur de notre société occidentale.
Il met en évidence les composantes du conditionnement millénaire à la culture judéo-chrétienne qui, au quotidien, nous sert de modèle en Occident : le maître (le dominant), le serviteur (le dominé), et la banque (l’exploiteuse et la propriétaire du monde).
Avec un tel modèle, aucune chance d’entendre « Sois toi-même » à l’école, aucune chance de voir l’autre être présenté comme un partenaire potentiel, aucune chance d’être initié à une compréhension globale de notre monde. Le « maître », pour préserver ses privilèges, craint l’émancipation du « serviteur » et le tient isolé et dans l’ignorance ; diviser pour régner en est l’approche.
Sous la pression de ce même conditionnement, il serait facile de sauter le pas et de provoquer une guerre entre le maître et le serviteur. Ce serait une profonde erreur car ce modèle est pernicieux et pervers. Nous sommes tous à la fois le maître et le serviteur d’un autre ; lorsque le maître veut étouffer le serviteur, il s’étouffe lui-même, la banque profitant seule de la situation. C’est pourquoi ce modèle porte le mal-être en lui et n’épargne personne, riches ou pauvres, dominants ou dominés. Il est d’autant plus pernicieux, qu’avec son « Fais ce qu’on te dit », il muselle, non seulement notre sens critique, mais aussi notre imagination et notre créativité et ainsi limite notre adaptabilité au changement. Si je me réfère à la citation de Darwin : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. », je pense qu’il serait peut-être judicieux de changer de modèle.
Cela est possible si nous arrêtons de nous référer à des textes anciens écrits à une époque où l’esclavage était la règle.
Il existe au moins une alternative au modèle « maître – serviteur »: le modèle « partenaire – partenaire » qui capitalise sur le respect de l’identité de chaque individu. Ce modèle est la base du leadership collaboratif que je pratique depuis plus de trente ans au sein d’organisations de toutes tailles. Introduisant la notion de réciprocité entre les individus, il favorise non seulement une collaboration bien plus productive entre eux mais aussi le « vivre ensemble » et leur bien-être.
Du même auteur lisez aussi:
- L’essai «Tomahawk ou la Non-Evolution, Vers une Nouvelle Vision»
- L’article «2/3-La crise? Nous nous employons à la «produire» tous les jours!»
Publier un commentaire
Yves Mercier, fondateur du réseau Y-M-I.
Auteur de « Tomahawk ou la Non-Evolution – Vers une Nouvelle Vision »
Promoteur du Leadership Collaboratif au service de la gestion de l’innovation et du changement.